Photo du site de L’IFOP
Chaque semaine, les médias commandent, analysent, et partagent des sondages qui indiquent les intentions de vote des électeurs. Si ces vingt dernières années, la publication des sondages s’est de plus en plus multipliée, leur utilisation n’en a pas été plus qualitative. Un constat que regrettent fortement les entreprises de sondage, dans une ère si médiatisée.
Ces pavés colorés précédés par le nom des candidats et suivis par des pourcentages, vous en avez déjà vu beaucoup ? Et si c’était sur le point de changer ? Dans toutes les rédactions, la pertinence des études d’opinion est régulièrement questionnée. Si certains médias peinent à avoir un avis tranché sur le sujet, d’autres se montrent catégoriques quant à leur utilisation. C’est notamment le cas du journal Ouest-France qui a décidé de ne plus publier de sondage politique lié à la campagne présidentielle de 2022. Un choix déjà adopté par Mediapart et que Le Monde pourrait bientôt suivre.
« Il y a un manque de maîtrise de cet outil »
Les sondages servent à mesurer le rapport de forces des intentions de vote. Ils ne sont pas là pour prédire le résultat des élections, mais bien pour présenter une tendance à un moment donné. S’ils sont utilisés par les journalistes et les équipes de campagnes des candidats, ils restent encore sous-exploités. Selon Paul Cébille, chargé d’études à l’IFOP, cet outil versatile a bien plus à proposer, « les gens se concentrent beaucoup sur les pourcentages au lieu de chercher à comprendre pourquoi tel candidat atteint tel chiffre ».
C’est un sentiment que partage aussi Guillaume Inigo, directeur d’études d’OpinionWay. Pour lui, l’absence de formation est à l’origine de cette mauvaise utilisation des sondages, « il y a une pédagogie autour du sondage qui est encore largement à faire en France. Notamment auprès de ceux qui les utilisent beaucoup, et les journalistes en font partie. » Les informations les plus intéressantes sont majoritairement délaissées au profit des pourcentages clinquants. La relativité des chiffres est peu mise en avant alors que chaque sondage est accompagné de sa marge d’erreur. L’usage décrié des enquêtes d’opinion inquiète les entreprises de sondage. Elles sont premières victimes de leur mauvaise utilisation. Une injustice que Guillaume Inigo a du mal à digérer, « il y a un manque de maîtrise de cet outil et au final ça dessert moins les journalistes que nous. C’est les sondages en eux-mêmes qui sont attaqués et assez peu la manière dont ils sont utilisés. »
Une utilité indispensable
Malgré une surutilisation qui tourne parfois à l’obsession, les sondages restent un instrument de premier choix pour mesurer l’évolution des tendances. Sarah Paillou, journaliste au Journal du Dimanche, nous confie l’importance des sondages au moment de commenter une élection primaire :
C’est un outil qui reste indispensable même s’il n’est pas parfait. Actuellement il y a l’élection du candidat Les Républicains et on a pas de sondage qui nous permet d’évaluer le rapport de force. On navigue complètement à vue. Sans sondage on perd une information qu’on pourrait donner au lecteur. On écrit quand même sur cette élection, mais avec un peu plus de flou et un peu plus de difficulté à raconter ce qui est en train de se passer.
Sarah Paillou
Formés sur la méthode des quotas (qui s’assure que l’échantillonnage de personnes interrogées est fidèle à la population française), les enquêtes permettent donc de représenter les pensées abstraites des potentiels votants. Elles sont d’une aide précieuse à la compréhension de l’échiquier politique.
Au fil des années, les instituts de sondage sont devenus des véritables acteurs politiques. Ils ont un poids non négligeable dans cette course à la présidence. Aujourd’hui conscients de ce rôle décisif, ils souhaitent rappeler au monde que leurs sondages ont bien plus d’un tour (électoral) à offrir.