Malgré ses déclarations clivantes, les polémiques et l’image écornée de la FIFA, Gianni Infantino, candidat surprise pour l’élection à la présidence en 2016, reste, contre vents et marées, à la tête de l’institution. Il se maintient grâce à un soutien inconditionnel des fédérations africaines et asiatiques ansi qu’à un sens de la politique et des affaires particulièrement marqué.
« Aujourd’hui, je me sens qatari, aujourd’hui je me sens arabe, aujourd’hui je me sens africain, aujourd’hui je me sens homosexuel, aujourd’hui je me sens handicapé, aujourd’hui je me sens comme un travailleur migrant ». Ce sont les mots du président de la FIFA Gianni Infantino en conférence de presse, la veille du coup d’envoi du Mondial 2022 au Qatar. De quoi diviser avant un événement sportif qui se présente comme fédérateur. Car il y a ceux qui sont d’accord avec le président de la FIFA et dénonce, comme lui, «l’hypocrisie » des pays occidentaux sur la questions des droits de l’Homme au Qatar, et ceux qui critiquent la FIFA pour, entre autre, ses positions trop peu sévères sur les conditions d’organisation du tournoi.
Unique candidat à sa réélection, Gianni Infantino va briguer un troisième mandat, lors du 73e Congrès de la FIFA à Kigali (Rwanda), le 16 mars prochain, à la veille de son 53ème anniversaire.
Giovanni Infantino, surnommé « le Piccolo » (le petit en français) par sa famille, naît en 1970 à Brigue, en Suisse, de parents italiens. Ce juriste de formation et fan inconditionnel de l’Inter Milan comme le reste de sa famille, est un passionné de foot depuis l’enfance. Il a joué au FC Brigue- Folgore, mais comme il l’a expliqué, avec ses « deux pieds gauches », l’espoir d’une carrière de haut niveau s’est vite estompé. Cependant, il n’a jamais perdu de vue son objectif : vivre du football.
Piccolo devenu grand
En 2016, il se présente comme candidat à la tête de la FIFA. « Ma candidature n’est pas une candidature contre Michel [Platini, ndlr]. S’il peut se présenter, je me retirerai ». Or, Michel Platini n’a pas pu se présenter et celui qui a longtemps été son bras droit, considéré comme une solution de repli temporaire suite à l’inéligibilité du Français s’est saisi de l’occasion pour se faire couronner. Depuis, il est resté le roi , passant du département juridique de l’UEFA à la présidence de la FIFA. « Infantino est un véritable traître », avait réagi Diego Maradona à cette manœuvre politique de l’Italo- Suisse.
« La FIFA a passé des moments de crise, mais c’est fini maintenant », déclarait-il, alors fraîchement élu, en référence au FIFAgate, cet énorme scandale de corruption au sein de l’institution qui impliquait Sepp Blatter, l’ancien président, et « Platoche ».
Mr Propre comme l’a surnommé le journal So Foot, est arrivé dans le but « d’appliquer la bonne gouvernance et la transparence » et de « revenir au football ». Dans les faits, le ménage n’a pas vraiment été fait.
Touché mais pas coulé
Football Leaks, procédure pénale en Suisse pour « abus d’autorité », déclarations polémiques, Infantino est clivant. Comme en janvier 2021 quand il déclare vouloir « donner l’espoir aux Africains qu’ils n’auront pas à traverser la Méditerranée pour peut-être avoir une vie meilleure ou, plus probablement, la mort en mer” pour défendre son projet de Coupe du Monde tous les deux ans. C’est d’ailleurs un projet qui ne fait pas l’unanimité. En 2022, un sondage réalisé par FIFPro, le syndicat mondial des joueurs, avait révélé que 75% des joueurs étaient contre. En 2022, le président de l’UEFA Aleksander Céférin avait qualifié l’idée de « non-sens complet » de « projet populiste qui détruirait le football », dans un entretien au Journal du Dimanche.
Mais il a aussi des soutiens. Gelson Fernandes, ex-international suisse, affirmait à son propos dans le journal suisse Blick « Il est incroyablement travailleur et passionné. Le plus important, pour lui, c’est que le football soit accessible à tout le monde. Il s’engage pour que les infrastructures soient améliorées dans les régions les plus pauvres ». Et l’ex-joueur d’ajouter « je me base sur les faits, parce que je suis en contact direct avec ce qu’a réalisé Gianni en Afrique. Là-bas, les gens sont heureux qu’il soit président ».
Ce n’est pas l’avis de tous, et sûrement pas de Michel Platini, qui estimait qu’« Infantino n’a aucune légitimité », dans une interview à l’Equipe en 2019.
Mister President
Infantino n’hésite pas à tenir un discours de dépréciation contre l’Europe, comme lors de la Coupe du Monde au Qatar, pour avoir le soutien des pays qui nourrissent une haine anti-Occident. Il soigne sa popularité en Afrique, car c’est une aubaine pour les pays les plus pauvres d’avoir autant d’investissements de la part de la FIFA. En témoigne l’élection de la Sénégalaise Fatma Samoura, elle fait honneur à une déclaration dans laquelle le président de la FIFA ne choisirait pas forcément un secrétaire général européen s’il était élu.
Businessman, Infantino peut s’enorgueillir que la FIFA ait enregistré sous son mandat des chiffres d’affaires records : 6,4 milliards de dollars entre 2015 et 2018 et 7 milliards de dollars entre 2018 et 2022. Il n’en oublie pas moins de montrer qu’il est président d’une fédération sportive mais qu’il côtoie des présidents d’états. Lors du sommet du G20 le 15 novembre 2022 à Bali il a appelé l’Ukraine et la Russie à un cessez-le-feu.
Le 26 février 2016, Gianni Infantino, « le chauve de l’UEFA » (cf: So Foot), avec sa tête ronde et ses sourcils fournis, son costume-cravate qui ne le quitte jamais, conclut son discours, d’une tape de la main droite sur le torse, accompagné d’un « merci beaucoup ». “Il tirait les boules” pour les tirages au sort des Coupes d’Europe de l’UEFA, il tire désormais les ficelles de la FIFA, l’instance la plus puissante du football mondial.