La manière dont les médias traitent la santé mentale influence profondément la perception du public sur les maladies psychiques. Une large part de la couverture médiatique reste pourtant marquée par des stéréotypes, associant notamment la schizophrénie, la bipolarité et d’autres troubles mentaux à la violence. Cette représentation erronée alimente les préjugés et isole les personnes qui en souffrent. Elle freine également les efforts des professionnels de santé qui cherchent à promouvoir une meilleure compréhension.

Le choix des mots dans la presse joue un rôle clé dans la perception des troubles mentaux. Des termes comme « camisole chimique » ou « fous » évoquent une perte de contrôle et renforcent des images caricaturales, alors que la réalité est bien plus nuancée. En France, environ 20 % de la population a connu des troubles anxieux ou dépressifs en 2023, selon une enquête de Santé publique France. Or, les stigmates entourant ces troubles renforcent l’isolement des patients et dissuadent parfois de rechercher de l’aide.

Ixchel Delaporte, journaliste et auteure du livre « Écoute les murs parler », a plongé dans le quotidien de l’hôpital psychiatrique de Cadillac pour observer ces réalités de l’intérieur. « J’ai rarement rencontré des êtres humains aussi malmenés par la vie et capables d’appliquer la devise socratique “Connais-toi toi-même” », témoigne Ixchel Delaporte. Pour elle, les journalistes ont la responsabilité d’offrir une représentation respectueuse et juste, loin des clichés sensationnalistes : « Ces personnes méritent d’être décrites avec dignité, non comme des figures de peur, mais comme des êtres humains pleinement conscients de leur souffrance. »

Vulgariser sans simplifier

La vulgarisation des maladies mentales est un exercice délicat, car elle nécessite de simplifier sans trahir les complexités des troubles. Par exemple, la schizophrénie n’est pas une « double personnalité » et ne se réduit pas à des comportements imprévisibles. En réalité, les symptômes et le vécu des patients varient considérablement, et beaucoup parviennent à gérer leur quotidien.

Jean Victor Blanc, psychiatre à l’hôpital Saint-Antoine et auteur de Pop Psy, un ouvrage de vulgarisation des troubles psychiatriques, souligne l’importance d’éviter une approche simpliste : « La santé mentale est complexe et multifactorielle, chaque patient est unique. Les médias doivent résister à la tentation de simplifier à l’extrême, car cela alimente une “psychiatrie spectacle”. » Cet usage inexact, explique-t-il, influence négativement l’opinion publique, créant une barrière pour ceux qui recherchent du soutien.

Montrer une autre réalité des établissements psychiatriques

L’association entre troubles mentaux et violence est une idée fausse mais tenace dans les médias. En réalité, les personnes atteintes de troubles mentaux sont bien plus souvent victimes de violence que responsables d’actes violents. Cette confusion alimente des peurs et entrave les initiatives visant à intégrer les personnes touchées dans la société. Une étude Ipsos de 2022 a révélé que 36 % des Français estiment que le stress impacte leur vie quotidienne, touchant notamment les jeunes adultes.

La journaliste Ixchel Delaporte, dans son ouvrage, montre une autre réalité des établissements psychiatriques, celle de la solidarité et de la réinsertion. Elle décrit la ville de Cadillac, où patients et riverains cohabitent depuis des générations. « Cette proximité crée une meilleure compréhension et favorise l’acceptation sociale des patients, » observe-t-elle.