L’affaire Weinstein, ce puissant producteur de films américains accusé par une centaine de femmes d’agression ou de harcèlement sexuel, a secoué la planète. La parole des femmes s’est libérée mais aussi entendue. Cette révélation a aussi amené les femmes journalistes a demandé une meilleure représentation des femmes dans les hauts postes de direction. Une avancée grandiose qui pose une question : quel futur pour ces mouvements ?
Cinq femmes journalistes Yolaine de la Bigne, Lauren Bastide, Louise Colcombet, Marie-Christine Lipani et Sandra Muller nous expliquent l’importance de cette lutte et les actions à mettre en place pour changer les choses.
Ces dernières semaines, des mouvements de contestation initiés part des journalistes femmes ont vu le jour au sein de plusieurs directions. Parmi elles, Le Parisien, le Nouvel Obs, le Progrès ou encore Ouest-France. Toutes étaient mobilisées pour dénoncer l’absence de femmes aux postes à responsabilités dans leurs rédactions. Et plus encore.
« Dans la presse, il y a un vrai tabou autour de l’accès aux postes de pouvoir pour les femmes », Marie-Christine Lupon dresse un constat accablant. Pourtant bien réel, et confirmé par la grogne récente de 112 journalistes du Parisien. Toutes ces femmes se sont unies d’une seule voix pour déposer une candidature symbolique à un poste à la direction (responsable des éditions du dimanche) laissé vacant. « Par la présente, je vous soumets ma candidature symbolique au poste de rédactrice en chef. Symbolique car mon profil ne correspond peut-être pas au poste actuellement recherché. En revanche, d’autres femmes en ont pleinement les qualifications. Des femmes aujourd’hui absentes à ce niveau de la hiérarchie de notre journal dont la charge est de donner le cap aux équipes, à travers ses choix éditoriaux » peut-on lire dans le texte de protestation adressé à la direction. Finalement, un homme a été élu et rejoint 4 autres de ses compères à la direction du quotidien parisien. Désormais, plusieurs centaines de journalistes femmes ne cessent de s’élever dans les médias pour montrer, témoigner, dénoncer des difficultés rencontrées pour accéder à des postes à responsabilités au sein de leur rédaction. Florence Méréo fait partie de ces journalistes du Parisien en colère : « La presse étant très à même à donner des leçons, il faut aussi qu’elle donne l’exemple au-delà soutenir les mouvements populaires ».
Cette fronde féminine doit rappeler au groupe LVMH un autre épisode. Celui juin 2013 menées par les femmes journalistes des Echos qui s’étaient insurgées contre le même problème. Résultat, une « grève des signatures ». Un mouvement de contestation qui semble déjà porter ses fruits puisqu’un audit, d’un cabinet extérieur spécialisé en l’égalité professionnelle a été réclamé et obtenu par les journalistes du Parisien. Il aura pour but de « de faire un point sur la situation de notre entreprise, voir les rémunérations, l’évolution des carrières et aussi répondre à cette question : Pourquoi les femmes ne postulent pas aux postes à responsabilités dans les rédactions ? » indique Florence Méréo.
Une grogne qui a fait des émules. Le quotidien lyonnais, Le Progrès, a pointé le nombre de femmes parmi les postes les plus importants : « Au sein de notre rédaction en chef, nous comptons une femme sur cinq personnes » peut-on lire dans un communiqué. Au siège lyonnais, deux chefs de services et d’information sur neuf sont des femmes. Et ces problèmes se répercutent même sur les salaires : « Parmi les 50 meilleurs salaires de journalistes, il y a 12 femmes ».
Enfin, la grogne s’étend jusqu’aux choix éditoriaux du journal. Une étude des journaux publiés par Le Progrès du 1er au 8 novembre montre que sur les 400 pages examinées, 439 hommes apparaissent, contre… 150 femmes. « Nous savons qu’il y a encore beaucoup de choses à faire en matière d’égalité dans l’ensemble de la société. Pour autant, un média doit-il se contenter de refléter l’iniquité, voire de l’accentuer, sans s’interroger sur une représentation déséquilibrée ? », se soucient les journalistes du Progrès.
Manque de confiance en soi, crainte de déposer une candidature mal vue, les suppositions sont lancées pour répondre à cette question. Marie-Christine Lipini, auteur de « Accès réservé, le pouvoir au sein des quotidiens régionaux » a déjà son avis sur la question : « Les patrons de presse anticipe sur l’idée que les femmes n’auraient pas envie d’avoir certains postes de pouvoir, où n’y arriveront pas parce qu’il y’a la maternité ou autre chose ».
Le mal-être des femmes dans les directions ne s’explique pas uniquement par le non accès aux postes de directions. En effet, les différences de salaires avec les hommes sont bien réelles. C’est ce qu’affirme la journaliste Lauren Bastide : « Dans le journalisme, les disparités de pouvoir entre les hommes et les femmes sont dévastatrices, c’est-à-dire qu’on retrouve des différences de salaires autour de 28 % ». Face à cette injustice, leurs conditions de vie et de travail sont donc logiquement impactées. Un constat qui se confirme puisqu’on dénombrerait environ 60 % de femmes pigistes. Une situation qui alarme Lauren Bastide : « Cette position de subalterne, de domination économique et hiérarchique au sein des rédactions rend les femmes plus vulnérables aux agressions, rend la parole impossible à se libérer. »
Une situation difficile pour les journalistes femmes qui s’inscrit finalement dans un mouvement de dénonciation plus global, en résonnance avec la libération de la parole des femmes victimes d’harcèlement sexuel avec l’hashtag « BalanceTonPorc ». Ce dernier a un traitement médiatique en France qui ne convainc pas Sandra Muller, journaliste et initiatrice de l’hashtag : « Je suis affligée, atterrée, afférée, par la manière dont on en parle. Je ne pense pas que les journalistes français réalisent à quel point ça repose beaucoup sur elles et eux ».
Pour mettre fin à un tabou, le renouveau au sein des entreprises, notamment médiatiques, passe également par les hommes et le rôle qu’ils ont a joué. Leur parole doit se libérer selon Marie-Christine Lipini : « Dans les entreprises, les hommes qui sont témoins de ces violences, agressions, ne doivent pas se contenter de baisser les yeux, de hausser les épaules, de rigoler de la blague ». Et pour cela, il faudrait donc dépasser les déclarations d’intentions, aller au-delà, et à un moment être amené à faire des concessions : abaisser son salaire et recevoir moins de primes.
Ces femmes journalistes ne font pas que de dénoncer la réalité des rédactions. Elles suggestionnent des solutions pour mettre, enfin, les hommes et les femmes, au sein de l’ensemble des entreprises, sur le même pied d’égalité. Ces solutions peuvent être répertorier en deux mots : transparence et sensibilisation. Tout d’abord, une demande de transparence dans les processus de nominations aux postes de responsabilités est préconisée. Dans ce même sens, une transparence sur les salaires entre chaque membre de l’entreprise est désirée. Ce qui pourrait, donc, mettre en exergue les différences de salaires qui peuvent exister entre un homme et une femme, au même échelon de l’entreprise, exerçant les mêmes taches. Sensibiliser, également, une démarche qui semble primordiale pour Marie-Christine Lipini : « Il faut une impulsion qui vient d’en haut, des patrons, pour sensibiliser les rédactions à ces égalités ». Cette sensibilisation pourrait également concernés les jeunes, et notamment les étudiants en école de journalisme.
Avec la volonté de faire évoluer les choses, le collectif « Prenons la Une », vient de concevoir « un manuel de rébellion », justement pour venir en aide aux femmes dans les rédactions. Le changement des mentalités passe également dans le fond des articles pour Lauren Bastide, journaliste. En plus de dénoncer la représentation des femmes dans les rédactions, elle pointe la représentation faites des femmes à travers les médias. Ainsi, dès la phase d’écriture, la barrière des stéréotypes féminins doit être brisée : « Pourquoi commencer un portrait d’une femme par une description physique » s’interroge-t-elle. Et cela semble lui apparait telle une évidence, mais « plus il y’aurait de femmes aux postes de direction, plus le traitement des questions autour des femmes sera traité de façon différente, moins stéréotypé ». La marge de progression est encore grande également en ce qui concerne le nombre d’expertes (15 %) intervenants sur les plateaux télévisés.
Phénomène isolé ou effet de masse à venir ? Mais, ces derniers jours, Dominique Nora vient d’être nommée directrice de la rédaction de l’Obs. De quoi peut être, donner des idées à certains et certaines.
Depuis la campagne présidentielle américaine de 2016 qui a vu arriver à la tête des Etats-Unis Donald Trump, deux mots sont régulièrement utilisés : Fake News. En français les fausses informations. Une problématique à laquelle doit faire face le monde entier et plus particulièrement les journalistes avec internet et les réseaux sociaux, premiers canaux des fausses informations.
Nous avons interrogé deux journalistes, Julien Pain (L’Instant module de France Info) et Alexandre Pouchard (Les Décodeurs du Monde) pour nous aider à mieux comprendre le phénomène des fake news. Mais nous avons aussi rencontré des étudiants pour savoir comment ils s’informent et vérifient l’information.
Emission réalisée dans le cadre des assises du journalisme de Tours le 16 mars. Pour cette édition 2018, nous avons traité un sujet plutôt sensible : Pigiste, comment défendre vos droits ? Un questionnement aux enjeux majeur pour tous les journalistes. Pendant 45 minutes, nous avons mêlé reportages, édito, interviews et débats. Pour nous accompagner, nous avons eu le privilège d’avoir sur le plateau : Lucie Tourette, co-présidente de l’association Profession : pigiste. Benoît Califano, directeur à l’ESJ Pro de Montpellier ainsi qu’Albéric de Gouville, rédacteur en chef chez France 24. Tout au long de l’émission nous avons reçu de nombreux chroniqueurs dont A.C.avec un édito très tranchée. Margaux Marchand et Louise Guibert pour une chronique humoristique où un entretien entre un pigiste et un recruteur est mis en scène. Enfin, le reportage d’Amel Charrouf sur un pigiste heureux de ses conditions de travail et le reportage de Sandra Khalfalloui qui a mis en exergue le contraire : un témoignage fort d’une ex-pigiste. L’émission est animée par Said Amdaa.