Les médias et le net, amis ou ennemis ?
Pour sa deuxième année, Médias en Seine revient sur les problèmes et les perspectives d’avenir du métier de journaliste. Des questionnements d’autant plus importants que les moyens de diffusion se transforment ne laissant déjà au papier qu’un statut de reliques. A contrario, l’avenir des plateformes interroge et divise. Retour sur ce débat d’idées.
Le festival des médias de demain a réouvert ses portes mardi 8 octobre à la Maison de la Radio et aux Echos. Et cela commence fort. Dès la première conférence, Roch-Olivier Maistre, président du CSA pose les premières observations d’un secteur en difficulté : l’arrivée d’Internet et la difficulté des médias de s’y accommoder même 25 ans après sa création. Si cette transition semble majeure, il n’en reste pas moins que « sa régulation devra se faire selon les mêmes principes de la loi du 30 septembre 1986 » pense le président du CSA, à savoir assurer le pluralisme politique et les développements sociétaux.
Contre l’abus monopolistique
Autre problème majeur : la question du financement. Si Valérie Decamp, DG de Media Transports évoque en premier lieu l’impérieuse nécessité des réseaux sociaux dans une entreprise, Alexandre de Cornière, professeur d’économie souligne le fait que « Facebook et Google captent plus de 60% des revenus publicitaires sur Internet ». Et la position de Google dans l’affaire des droits voisins n’incite pas à penser un partage des ressources financières présentes sur le net.
Chacun prêchant pour sa paroisse, le DG de Qwant, le récent moteur de recherche européen, préfère insister sur le manque de respect des grandes plateformes américaines. Pour le public d’une part depuis que les données sont diffusées et utilisées à des fins électorales ou commerciales. Et d’une autre, un manque de respect des marques en les positionnant parfois à côté de propos haineux. Critique de l’abus monopolistique pour détruire les tentatives concurrentielles, ou tout simplement des excès de la liberté d’expression, les directeurs généraux français de la conférence sur les GAFAM reprennent le même son de cloche que le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel : la régulation.
Terrain du complot
Ethan Zuckerman, spécialiste des médias aux Etats-Unis, Bruno Patino, directeur de l’école de journalisme de Sciences Po, et Dominique Cardon, sociologue, poussent la critique à son paroxysme. « Les réseaux sociaux ont été conçus pour le marché et non pour le bien du citoyen, sinon pourquoi le phénomène complotiste se serait-il développé sur les réseaux sociaux ? » avance Zuckerman. Théories du complot et discours de post-vérité justement, le spécialiste des médias américain les a étudiés et en tire un constat glaçant : « les réseaux sociaux s’ils accélèrent une diffusion, ne sont que le relet d’une société« .
D’après ses travaux, il n’existe dans l’univers des médias américains aucune passerelle entre les médias dits de gauche et de droite. « Il y a peu de liens entre CNN et Fox, ils ne parlent pas aux mêmes spectateurs, tout simplement parce qu’ils ne traitent pas les mêmes faits. Les réseaux sociaux ne font qu’ampliier ce phénomène » ajoute t-il. Pas étonnant de s’imaginer donc qu’une telle polarisation puisse aboutir au complot, à la désinformation et une menace démocratique.