Faire face au harcèlement dans les médias
Le festival des médias de demain Médias en Seine a ouvert ses portes, mardi 8 octobre, pour sa deuxième édition. L’évènement co-organisé par France Info et Les Échos s’est tenu à la maison de la Radio et au siège du groupe Les Échos. Au programme, des journalistes, experts en communication venus exposer les nouveaux enjeux du métier.
Cette rencontre avec les professionnels de l’information était aussi l’occasion d’aborder les récents problèmes auxquels la profession a été confrontée, comme le harcèlement sexuel et le sexisme. A la Maison de la Radio, les intervenants ont insisté sur le fait que le milieu de la presse n’échappe aucunement à ce fléau. Léa Lejeune, journaliste et présidente de Prenons La Une, un collectif de femmes qui lutte contre le sexisme et le harcèlement sexuel dans les rédactions, livre son expérience en tant qu’ancienne victime.
Le harcèlement sexuel dans les médias raconté par une victime de la Ligue du LOL
Léa Lejeune, a été témoin du harcèlement et l’a subi. Cette jeune journaliste est une des victimes de la Ligue du LOL. Il s’agit d’un groupe Facebook composé de journalistes et publicitaires accusés de s’être livrés à du cyber-harcèlement à l’encontre de femmes depuis 2009, notamment sur Twitter. La journaliste de Challenges, affirme que la ligue du LOL a éveillé la question de la sécurité des femmes dans les rédactions. “Il y a eu une prise de conscience dans les rédactions en 2017 avec l’éclatement de cette affaire. De nombreux licenciements de journalistes se sont amorcés, notamment au Huffington Post”, explique-t-elle. L’éclosion des récents dossiers de harcèlement dans le milieu ont permis de mettre en lumière “les comportements sexistes de certains rédacteurs en chefs”. “Certaines pigistes ou stagiaires étaient recrutées en fonction de leur physique”, abonde la jeune journaliste. Les femmes seraient uniquement appréciées pour leur plus-value physique et réduites à leur beauté.
Quelles solutions à apporter?
Comment lutter contre la pérennité́ des stéréotypes sexuels et les comportements qu’ils induisent ?
Pour Ivan Jablonka, la réponse est sans appel. Il faudrait sortir d’une “masculinité́ virilisante” qui confère intuitivement à certains hommes haut-placés le devoir d’asservir les femmes. Il plaide pour des formes de masculinités renouvelées.
Quant à Léa Lejeune, elle a établi avec son association Prenons La Une, un cahier de doléances qui sera envoyé aux rédactions et écoles de journalisme reconnues par la profession. Dans ce document, il est proposé de conditionner l’accès aux aides à la presse par le respect de la parité aux postes de direction et la nomination d’un référent égalité dans les rédactions. Dans le cahier de doléances, figure aussi une charte de rappel à la loi. La journaliste de Challenges plaide également pour une meilleure sensibilisation à la lutte contre le cyber-harcèlement.
Des efforts ont été faits dans le sens d’une meilleure représentativité des femmes dans les médias et d’une prise en considération de leurs paroles. “Après Metoo, beaucoup plus de femmes expertes ont été sollicitées sur les plateaux radio et télé. Il y a aussi eu la création d’une cellule dédiée au harcèlement à Radio France”, relativise Léa Lejeune.
Le harcèlement sexuel: “résultat d’une rencontre entre un parcours personnel et un système patriarcal”
Ivan Jablonka, historien et professeur à l’université Paris 13, explique pourquoi selon lui le harcèlement sexuel s’impose à toute personne détentrice d’un pouvoir. “Le harcèlement est endémique au pouvoir. Il est le résultat d’une rencontre entre un parcours personnel et un système patriarcal”, explique le professeur. Selon lui, la domination masculine reste très présente dans le milieu de la presse. Et pour cause, Ivan Jablonka déclare que seulement “34% de femmes se retrouvent rédactrices en chef” . La domination masculine pointée par Ivan Jablonka, réduirait les femmes victimes de harcèlement sexuel au silence et à la résignation. “Quand une jeune pigiste est harcelée par son supérieur, elle ne le dénonce pas. Elle est pigiste, donc elle ne souhaite pas aggraver sa précarité. Ce qui donne aux harceleurs, un sentiment d’impunité renforcée par la précarité de ces jeunes femmes”, précise l’historien.
Si des efforts sont déployés pour sanctionner les comportements misogynes ou machistes, un rapport du CSA publié le 8 mars 2019, pointe une sous-représentation des femmes aux heures de fortes audiences. 29% de femmes seulement sur la tranche 21 heures-23 heures, soit une baisse de 4 points par rapport aux chiffres de l’année 2016.