En septembre, les élèves de master 1 et 2 ont reçu en visioconférence le journaliste Cyril Payen, grand reporter chez France 24. Revenu d’Afghanistan après la prise de Kaboul par les Taliban, il a raconte son expérience.
Quelques jours après son retour d’Afghanistan et une tournée sur les plateaux de télévision, le journaliste Cyril Payen s’est exprimé en visioconférence devant les élèves du master journalisme à Gennevilliers. Ce grand reporter à France 24 a couvert plusieurs conflits au Moyen-Orient, comme le Yémen, où les habitants « sont rendus étrangers à leur destin » par la guerre qui gangrène le pays depuis 2014. Alors que Cyril Payen est encore dans l’avion qui l’emmène en Afghanistan, mi-août, Kaboul vient de tomber aux mains des Taliban. « Il a fallu improviser » confie le journaliste, qui après un arrêt à Dubaï arrive dans la capitale afghane. Il est accompagné de deux équipiers qui assurent la transmission avec l’Occident, d’un traducteur et d’un équipement technique léger, constitué d’une caméra Sony et d’un Iphone 12. « Pas de grosse machine », précise le journaliste, pour plus de fluidité lors les déplacements.
« Il faut avoir peur »
A Kaboul, la tension monte avec l’arrivée des Taliban. Moins d’une dizaine de médias internationaux se trouvent sur place pour couvrir l’événement, dont France 24 : Cyril a longuement discuté avec sa rédaction, qui lui a donné le feu vert pour rester. « Je voulais vivre le 31 août », explique ce dernier, date officielle à laquelle les troupes américaines ont quitté le sol afghan après l’accord passé avec les Taliban. Avant son départ de France, le journaliste a, comme ses confrères et consœurs investis en zones de guerre, suivi une formation de six jours pour se mettre en condition. Comme, par exemple, changer de voiture tous les jours et être géolocalisé en permanence. « L’effroi est constant, il faut avoir peur », témoigne le reporter. Cyril Payen est resté une dizaine de jours en Afghanistan, avant de repartir « par la terre ». Un périple de 18h en passant par la frontière pakistanaise, déguisé pour échapper à la sécurité talibane. A son retour, sur le plateau de France Info, il confie : « c’est assez miraculeux que je sois là ». Mais le plus dur est l’idée d’avoir laissé derrière lui ses équipiers afghans ; il invoque sa « priorité » de les aider à quitter le pays avec leurs familles.
Le silence des habitants
Dans son analyse, le reporter de France 24 observe que le départ des troupes américaines signe « la plus grande cicatrice de l’Occident », aveu d’un échec militaire et géopolitique depuis l’arrivée des Etats-Unis dans le pays en 2001. Avec, à la clé, une régression des droits pour ses habitants : « les Afghans de 1996 ne sont pas ceux de 2021 », rappelle Cyril Payen. En effet, ces derniers sont davantage éduqués et informés. Avec l’arrivée des Taliban, le journaliste a remarqué que beaucoup ne voulaient plus parler, que certaines femmes revêtaient la burqa et se cloîtraient dans leur maison. Elles craignent de ne plus pouvoir sortir seules, de devoir être mariées de force à des guerriers. « C’est absolument terrible », se désole le grand reporter. Le nouveau régime imposé par les Taliban, malgré un dialogue affiché avec la communauté internationale, continue d’inquiéter. Les journalistes afghans ayant travaillé avec l’Otan et les Etats-Unis risquent d’être poursuivis où arrêtés, « ça devient très compliqué pour travailler », note Cyril Payen. Quant aux Afghans, ils pourraient bien redevenir, eux aussi, étrangers à leur destin.