Annie Ernaux et les médias,
Un engagement discret
Par Victoria Laurent et Guillaume Galpin
Par son engagement dans la société, elle entretient un rapport avec les médias fait d’interventions portant sur l’actualité, mais sa pratique d’écriture la contraint à de rares sorties médiatiques.
C’est autour des années soixante qu’Annie Ernaux a commencé à considérer «l’apolitisme comme impossible». Si elle préfère «faire du réel plus que du beau», c’est avant tout pour faire réagir. Elle questionne l’avortement dans « L’Evénement » ou encore l’ascension sociale dans « La Place » par exemple. Plus généralement, son engagement se porte «sur la condition des femmes» et sur «la structure du monde social».
Les médias cherchent de plus en plus la parole des écrivains et intellectuels dans le débat public selon Marie-Laure Rossi, chercheuse à l’université Paris VII et intervenante au colloque. Annie Ernaux, présente dans la salle, explique que «beaucoup de sujets l’atteignent et qu’elle est souvent motivée pour écrire un texte d’intervention».
Elle a ainsi réagi vivement via une tribune au Monde datée du 29 avril 2012 sur la contre-manifestation organisée par Nicolas Sarkozy le 1er mai. «fille d’ouvrière» comme elle se décrit, elle avait été «profondément indignée et accablée», ce qui l’a poussée à écrire sur le sujet. Peu de temps après, elle affirmait son soutien à Jean-Luc Mélenchon durant la campagne présidentielle de 2012.
En février 2014, le journal L’Humanité demandait à l’écrivaine une interview pour parler des tabous qui existent encore sur l’avortement, preuve que la voix d’Annie Ernaux porte dans le débat public et qu’elle est recherchée par les médias.
Cependant, ses interventions se font rares : «le temps médiatique n’est pas le mien». Elle se méfie de cette «forme de rapidité». «Le temps que je réfléchisse et que j’écrive, c’est déjà trop tard», explique-t-elle. «Par exemple, j’ai voulu réagir au projet de loi anti-burka qui exigeait des arguments affûtés. J’ai commencé un texte intitulé la loi Charles Martel, mais j’en étais à la moitié quand la loi est passée».
Annie Ernaux souhaite surtout «attirer l’attention sur la situation des dominés» et «souligner la fragilité de la condition de la femme dans les médias»