Eteins Facebook en sortant
Par Maxime Grimbert
A l’heure où les géants du web installent leurs serveurs à proximité du cercle polaire pour réduire leurs factures d’électricité, les technologies numériques ne paraissent plus aussi écologiques que prévues. Les émissions de gaz à effet de serre – et de polluants – de nos usages informatiques méritent d’être mieux connues pour alimenter un débat nécessaire. Car les entreprises et les internautes vont aussi devoir s’adapter pour soutenir les objectifs fixés par la COP 21 de cet automne.
Chaque minute, près de 2,5 millions de contenus sont échangés sur Facebook. Un trafic gigantesque qui suppose des serveurs à la hauteur, en surchauffe permanente. Pour diminuer le coût énergétique du refroidissement de telles machines, le réseau social états-unien ouvre en 2011 une ferme de serveurs supplémentaire à proximité du cercle polaire.
Des centaines de rangées comme celles-ci forment l’épicentre des grands datacenters au bilan carbone numérique important.
C’est un indéniable progrès écologique. Leur premier centre de données dans l’Oregon était alimenté en énergie en provenance de centrales à charbon. Celui-ci est installé en Suède, où l’hydroélectricité est majoritaire et où la température reste sous la barre des 10°C neuf mois sur douze. Les vents glaciaux assurent le plus gros de l’effort de gestion de la température.
Pourtant, ce nouveau datacenter de Facebook, un imposant entrepôt gris sans charisme, consomme à lui seul autant d’électricité que 16 000 foyers de Luleå, l’agglomération hôte.
Consommation d’électricité et émissions de gaz à effet de serre
Nos usages numériques, qu’ils soient récréatifs ou professionnels, ont aussi un bilan carbone. Envoyer un courriel de 1Mo, c’est à dire une photographie compressée, à un ami qui la regardera pendant cinq minutes et la conservera pendant un an semble aussi courant qu’anodin. Et entraîne l’émission de 19 grammes d’équivalent CO2. A titre de comparaison, une Clio neuve en rejette « seulement » 100 par kilomètre. Ces estimations de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie tiennent principalement compte des toutes les machines sollicitées par ce banal envoi : les ordinateurs personnels de l’expéditeur et du destinataire, mais aussi des serveurs de stockage et de tous les relais intermédiaires.
Le phénomène prend bien sûr de l’ampleur à mesure que de plus en plus d’internautes émergent sur le globe. Une hausse de 6 % entre 2014 et 2015 a ainsi fait grimper ce chiffre à 3,07 milliards d’individus connectés. Ce qui suppose de nouvelles installations. Restons sur l’exemple de Facebook : l’entreprise lancera en 2016 son propre satellite, en coopération avec le groupe français Eutelsat Communications. Il permettra l’accès à l’application mobile dans certaines régions d’Afrique ; reste à déterminer le bilan carbone de sa construction.
Impossible à ce rythme de tenir les promesses de la COP 21
En 2009, un rapport remis aux ministres français de l’économie et de l’environnement estime que les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication, les fameuses NTIC, étaient bonnes pour le bilan carbone du pays. Les émissions de CO2 qu’elles représentent permettent d’en économiser le quadruple sur certains secteurs, en rationalisant le transport de marchandise et en favorisant le télé-travail par exemple. Un score intéressant mais loin des objectifs de la COP 21. L’Union Europénne, dont la France, souhaite avoir réduit ses émissions globales de CO2 de 40 % d’ici à quinze ans par rapport au niveau de 1990.
D’autant qu’il est des secteurs nouveaux qui ne représentent qu’un coût écologique additionnel, probablement sans aucune contrepartie positive. Nos nouveaux usages numériques professionnels comme privés inclut aussi le visionnage de vidéos de lolcats hebergées par Facebook en Suède et l’envoi de mails via un serveur californien à son voisin d’openspace. Ce qui est gratuit n’est pas forcément inoffensif pour la planète.