« Je suis en colère plus qu’autre chose ». C’est ce qu’a ressenti Mathilde Flament-Mouflard intermittente du spectacle et ce que ressent le monde de la culture, à l’encontre d’un gouvernement qui les a délaissés pendant ce second confinement, débuté le 29 octobre.
Le monde de la culture dans son ensemble a eu le sentiment d’être oublié lors de ce second confinement. Une mise à l’écart de la société, provisoire, qu’ils comprennent au vu du caractère non-essentiel des cinémas ou théâtre dans cette crise sanitaire, mais qu’ils trouvent incohérente.
« C’est rageant »
Mathilde regrette le manque de cohérence dans les prises de décisions : « Je suis en colère plus qu’autre chose.On voit toutes les solutions possibles, mais on ne sait pas à qui s’adresser pour les donner et on a l’impression qu’elles ne seraient même pas entendues », déplore-t-elle. Avis partagé par Clémentine Malandin, comédienne, qui considère la fermeture des lieux culturels rageante, alors que les « conditions sanitaires étaient très bien respectées jusqu’à présent ».
« Beaucoup de théâtres se sont arrangés pendant le couvre-feu pour jouer plus tôt. Là, pendant le confinement, c’est très contraignant. On a l’impression de ne pas être considéré, on ne voit pas notre ministre de la Culture », souligne Mathilde. Avant d’ajouter : « On ne peut pas jouer dans une salle de spectacle où il y a la distanciation sociale mise en place avec une jauge baissée de 50 %. Mais par contre on peut prendre le train où tout le monde est côte à côte sans nettoyage entre les changements de personnes. Alors que dans une salle de spectacle, c’est le cas ».
Un manque de considération de la part de l’État
Pour Clémentine, la mise à l’écart de la culture a été blessante. « C’est hyper douloureux. On demande juste une reconnaissance de ce qu’on est. J’ai l’impression qu’on est juste des saltimbanques, un peu irresponsables. », constate-t-elle, désemparée vis-à-vis de cette situation.
Une reconnaissance qui passe également par la compréhension de cette profession. Mathilde est régulièrement confrontée à la question « Quel est ton métier ? ». La réponse est difficile à donner puisque l’intermittence du spectacle comporte une multitude de métiers. « C’est important de dire qu’intermittent ne veut pas dire chômeur. J’en ai douze à la fois. Je suis comédienne, metteuse en scène, chargée de production. Hier sur le tournage que j’ai fait, j’ai passé quatre heures à faire un costume, c’est habilleuse, costumière. », résume-t-elle.
Cette absence de considération ne date pas du second confinement. Elle s’est notamment ressentie lors de la visioconférence d’Emmanuel Macron avec les acteurs de la culture le 6 mai 2020. Une situation qui a marqué l’intermittente : « Il nous avait dit ‘’d’enfourcher le tigre’’ et d’aller ‘’chercher ce qui va lui permettre -la culture- de survivre : du fromage, du jambon’’. On avait envie de dire que ce n’est pas parce qu’on fait de la culture qu’on ne peut pas nous parler comme on parle au monde de la finance »,se souvient-elle.
Une saison potentiellement bouchée
Les intermittents du spectacle veulent reprendre le chemin des répétitions, voir le public pleurer, rire, réagir à leurs représentations. « On ne demande que ça de travailler. Ça fait longtemps qu’on n’a pas vu le public, l’adrénaline manque », résume Mathilde. Les troupes risquent pourtant de se retrouver face à une pénurie d’offre au moment de proposer leurs spectacles pour la saison prochaine.
La programmation de l’année prochaine va en grande partie concerner les reports de la saison 2020-2021, dus au Covid-19. « C’est compliqué, car on ne sait pas quels lieux sont complets et lesquels ont encore de la place. On travaille plus sur 2022-2023, alors qu’en temps normal, on serait en train de prévoir la saison prochaine », analyse-t-elle.
Si les salles de spectacles publics et privées sont complètes, les artistes vont devoir trouver des alternatives pour survivre. « Je vais sûrement animer des goûters d’anniversaire ou faire des trucs d’administrations dans le théâtre. On n’est pas là à 100 % à s’éclater, mais on le fait avec autant de sérieux que les choses qu’on aime. J’en ai marre que les gens pensent que parce qu’on est artiste, on est là tout le temps à s’éclater », précise Clémentine, qui espère retrouver la scène rapidement.
La lumière au bout du couloir
Alors qu’il avait omis de parler du monde culturel lors de sa précédente allocution, Emmanuel Macron a veillé à ne pas reproduire la même erreur ce mardi 24 novembre. « Nous soutenons tous les acteurs de la culture, à qui, je le sais, nous avons tant demandé, mais qui ont tenu, créé, innové, su trouver de nouveaux publics dans ce contexte si difficile. Nous avons besoin d’eux », a vanté le chef de l’Etat dans son discours.
Nombreux sont ceux, dans le monde du spectacle, à avoir demandé une réouverture des lieux culturels, considérés « comme non-essentiels ». Le discours prononcé par le président de la République est un début de soulagement pour les professionnels. Les musées, les salles de spectacle vont devoir attendre le 15 décembre pour pouvoir accueillir du public.