Deux visions sur Regarde les lumières mon Amour, un roman à la gloire du supermarché
Par Anton Kunin
Dans le cadre du colloque consacré à l’écrivain par l’Université de Cergy-Pontoise, deux éclairages ont été portés sur cet ouvrage. Le premier, par Lyn Thomas, chercheure et enseignante britannique, traite de la célébrité contre l’anonymat, le fil rouge de ce livre.
Selon elle, Annie Ernaux souhaite donner la voix à ceux qui ne seraient pas entendus autrement. Elle appelle le supermarché un espace quotidien dévalorisé, qui est tout le contraire de la littérature, laquelle se pense très valorisée. Un livre sur un supermarché est donc une démarche par laquelle l’écrivain laisse de côté les usages pour s’intéresser à la culture populaire. «Il n’y a pas de mauvais sujets et d’écrivains méprisables», affirme-t-elle.
Lyn Thomas fait remarquer que cette opposition entre intelligentsia et culture populaire se retrouve de manière explicite dans le texte du livre, au moment où Annie Ernaux parle de sa visite au rayon librairie, pour le quitter désabusée, déçue, dégoûtée de la logique commerciale qui guide le choix des livres à mettre en rayon. La deuxième communication sur Regarde les lumières, mon amour était celle de Francine Dugast, enseignante de littérature française à l’Université de Rennes.
Une écriture photographique du réel
Si Lyn Thomas étudie la démarche philosophique et intellectuelle de l’auteure, Francine Dugast s’intéresse à la forme de l’écriture d’Annie Ernaux.
Selon la chercheure, Annie Ernaux a privilégié l’écriture fragmentaire car elle correspond aux objectifs de son écriture, à savoir un journal où elle note ses observations et pensées.
Elle compare cette forme d’écriture à un kaléidoscope, à un miroir en éclats ou encore à des graffitis effacés aussitôt tracés, et rappelle la définition qu’en donne Annie Ernaux elle-même : «écriture photographique du réel».
Plus largement, selon Francine Dugast, l’oeuvre d’Annie Ernaux n’entre pas dans la catégorie de l’autobiographie traditionnelle.
Au contraire, l’auteure s’attache à mettre en lumière la discontinuité de la vie et l’importance des instants.