Harcèlement et médias : quelles leçons en tirer ?
Par Anaïs Escalona
Suite à l’affaire Weinstein en 2017 et les nombreux scandales qui ont suivi autour du harcèlement sexuel envers les femmes, les journalistes du monde entier n’ont pas hésité à traiter ce sujet en priorité. Rapidement, cette « boule de feu » a traversé les sociétés jusqu’à toucher également la France, et plus précisément les médias français. Un débat sur ce sujet a eu lieu le 8 octobre 2019, durant le festival Médias en Seine, à Paris.
« Certains hommes ne se rendent pas compte de l’impact d’une blague misogyne ou potache sur leur collègue ». Ivan Jablonka, historien et professeur à l’Université Paris 13, s’est penché sur la question et notamment sur le phénomène de meute. L’appartenance d’un individu à un groupe le conduit à en épouser les normes, à jouer un rôle social correspondant aux attentes des autres personnes qui le constituent. Dans le cas de la Ligue du LOL, chaque membre aura contribué, par son action ou son consentement muet, à renforcer la dynamique malveillante. Après avoir récemment publié un livre Des hommes justes : du patriarcat aux nouvelles masculinités, le chercheur explique que les agissements sexistes envers les femmes journalistes s’inscrivent dans un système patriarcal. « Pour certains, si la femme se trouve dans une rédaction, ce n’est certainement pas pour son travail mais parce qu’elle va donner un agrément physique à ses chefs », explique-t-il. Pour Léa Lejeune, présidente du collectif Prenons la Une : « La médiatisation de l’affaire de la ligue du LOL cette année a eu un mérite fort en permettant de libérer la parole des journalistes victimes (…) il faut continuer à parler de ce sujet de façon à épurer ».
Les rédactions commencent progressivement à prendre conscience de l’enjeu et à donner des sanctions appropriées aux harceleurs : douze licenciements ont été effectués depuis le début de l’année. La journaliste Léa Lejeune, qui défend une meilleure représentation des femmes dans les médias, émet l’idée de toucher directement au porte-monnaie des rédactions. Conditionner les aides à la presse au respect de la parité aux postes de direction. Elle suggère également de « nommer des référents égalité et de sensibiliser l’ensemble des collègues avec des formations à la sécurité physique et numérique ». L’autre solution proposée est d’afficher une charte de rappel à la loi et aux sanctions disciplinaires à l’intérieur des locaux. Enfin, la journaliste militante féministe évoque les cahiers de doléances de Prenons la Une dans lesquels se trouvent toutes les propositions des journalistes afin d’éradiquer le sexisme au travail.
Ces documents ont été remis aux directions des médias mais également au sein des écoles de journalisme. En effet, les étudiantes stagiaires pigistes, de par leur situation précaire, ont tendance à intégrer les propos sexistes dont elles sont victimes comme faisant partie du métier. « Les faits de harcèlement sont encore trop peu dénoncés et donc peu sanctionnés », déplore-t-elle. La fondatrice du média NewsMavens, Zuzanna Ziomecka, reste pour autant optimiste quant à l’avenir des relations hommes-femmes au sein des rédactions : « Les mentalités peuvent changer ».