Journalisme d’investigation : s’allier pour mieux enquêter
Affaire du sang contaminé, Affaire des écoutes de l’Élysée, Affaire des diamants de Bokassa… Il y a 40 ans, le journalisme d’investigation était déjà sur le qui-vive, révélant les manœuvres illicites des hommes politiques français. Mais peut-on aujourd’hui enquêter en solitaire sur des affaires qui ont pris une tournure internationale, comme on pouvait le faire lors de ces scandales français ? C’est à cette question qu’ont essayé de répondre Yann Philippin (Médiapart), Zeynep Sentek (Black Sea), Laurent Richard (Forbidden Stories) et Jacques Monin (Radio France) lors d’un débat organisé au festival Médias En Seine.
Plus de 11 millions de documents soit 2,3 Téraoctets de données, c’est ce qu’ont analysés les journalistes de 80 rédactions à travers le monde dans le cadre des révélations des Panama Papers. Cette affaire dévoilait alors au monde entier les pratiques d’évasion fiscale d’hommes d’affaire internationaux, de personnalités artistiques ou sportives reconnues et même de dirigeants nationaux. Un travail titanesque rendu possible par une alliance de différents médias au sein du Consortium International des Journalistes d’Investigations (ICIJ).
Des alliances comme celle-ci, il en existe plusieurs, de différentes tailles. Ainsi, en 2016, le European Investigative Collaborations est fondé. Il regroupe douze journaux européens et un an plus tard, il sera à l’origine des révélations des Football Leaks, une affaire d’évasion fiscale impliquant parmi les plus grands joueurs de football mondiaux.
C’est au même moment qu’un second projet verra le jour : celui de Forbidden Stories, une organisation qui s’est donné pour but de continuer les enquêtes débutées par des journalistes tués dans l’exercice de leur métier. « L’objectif est de montrer que même si le messager est tué, le message persistera » explique son fondateur Laurent Richard. Leur dernière enquête dite « Green Blood » a ainsi permis de mettre à jour les pratiques des entreprises minières en Tanzanie, en Inde et au Guatemala. Pollution environnementale, atteintes aux droits humains des populations locales, intimidation d’opposants politiques, autant de pratiques qui ont été dévoilées par ce réseau de journalistes internationaux. Ces révélations n’auraient jamais pu être publiées sans l’aide de Forbidden Stories, dans des pays figurant en mauvaises places dans le classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans Frontières.
En voyant cette dynamique positive, on pourrait penser que le journaliste d’investigation est promis à un bel avenir. Pourtant, toujours selon Reporters Sans Frontières, la situation des journalistes est problématique dans 3 pays sur 4 dans le monde. En France, Jacques Monin rappelle que convaincre les rédactions de dédier leurs journalistes à des enquêtes au long cours, est un combat de tous les jours et ce même dans des médias publics a priori moins soumis aux impératifs de rentabilité que les médias privés.