« La télé ne voulait pas de nous »
Le Rap est une culture à part. Son style, son engagement et sa popularité en font le genre musical le plus écouté en France. Pourtant, les acteurs de ce milieu ont souvent eu à combattre de nombreux préjugés et portes fermées. En réponse à cela, les rappeurs ont créé leurs propres médias : des espaces où ils peuvent exprimer pleinement leur art.
Au commencement, pourtant, il n’y a que la musique. «On se fichait de ce que les médias pensaient de nous, de nos quartiers. On voulait juste faire de la musique.». Ces paroles sont d’autant plus importantes qu’elles viennent d’Ekoué Labitey, membre de La Rumeur, groupe ô combien important dans l’histoire du hip-hop.
Mais pourtant, quand on fait de la musique, l’important est ceux qui nous écoutent. Et, pour cela, il faut être diffusé. Au début des années 2000, les grandes radios nationales sont alors les voix privilégiées pour se faire entendre. Problème : la relation entre médias et rappeurs est compliquée. Une méconnaissance du milieu a créé une vision stéréotypée du rap, qui empêche le dialogue. Pour lutter contre cela, certains ont fait un choix : créer leur propre média, leur propre sphère, leur propre monde finalement.
Fif Tobossi a fait ce pari en 2005, et a créé Booska-P, qui deviendra, dans les années 2010, un des sites internet de référence pour tous les fans de rap. « On a voulu créé des alternatives, en opposition aux médias traditionnels et à Skyrock. ». A la base, une volonté de s’organiser au sein même du rap, pour ne pas laisser cet art conté par d’autres. Les débuts étaient, certes, hésitants, mais la vision du rap véhiculée dans les médias a été une véritable impulsion pour la création. «On voulait montrer autre chose, d’autres rappeurs. »
Aujourd’hui, les médias spécialisés dans le rap existent toujours autant : Booska-P évidemment, mais également Daymolition, Genius, ou encore 13OR-du-HipHop. Le genre musical, lui, n’a eu de cesse de se développer. De nouvelles générations arrivent, avec de nouvelles attitudes : réduisant encore plus la distance entre eux et leur public (notamment grâce aux réseaux sociaux).
Mieux encore, le rap représente une « musique streamée » sur 2 au niveau mondial. Les rappeurs sont reconnus dans leur profession, et ce sont maintenant les médias qui demandent pour collaborer avec les artistes. Tous ces constats permettent à Ekoué Labitey et Fif Tobossi de conclurent conjointement : «Il y a encore du chemin à faire, mais les choses ont déjà beaucoup changé. »