Photo : Saïd Amdaa
Par Saïd Amdaa et Julia Inventar
Après les réformes sur la loi Travail, Emmanuel Macron fait de l’apprentissage son nouveau cheval de bataille. Le 10 novembre dernier, une concertation a été lancée par la ministre du travail Muriel Pénicaud, et quatre groupes de travail ont été mis en place pour réfléchir à la réforme prochaine de cette voie professionnalisante. Le but : faire de l’apprentissage une voie d’excellence et de réussite pour tous les jeunes, en redorant l’image beaucoup trop négative dont elle souffre.
Des clichés qui ont la vie dure
Il est bien loin le temps où « apprentissage » rimait avec cols bleus et mains dans le cambouis. Cette formation diplômante, dispensée par l’entreprise et l’université, est aujourd’hui de plus en plus prisée par les étudiants. Autrefois réduite au rang d’orientation subie, elle est à présent bel et bien une orientation choisie. Généralisée à tous les domaines d’études et à toutes les filières, elle dépasse largement le cliché des métiers manuels. Elle compte en effet nombre d’étudiants ingénieurs ou bien dans le domaine du commerce, du marketing, de la communication, et même dans celui des médias.
L’intention affirmée du gouvernement est donc de déconstruire le cliché qui voudrait que l’apprentissage réunisse des élèves en situation d’échec scolaire. Autant de préjugés qui empêchent les métiers de cette filière d’être reconnus comme nobles.
De nombreux avantages
Pourtant, les avantages de cette voie professionnalisante sont nombreux, et séduisent de plus en plus les jeunes. Nadjib, alternant coordinateur des publications techniques chez
SAFRAN, nous confie que l’aspect financier est un critère de choix, mais pas le seul. Le chamboulement de l’école dite classique a joué un rôle prépondérant dans son choix de prendre un virage important :
« Ça me permet de gagner un salaire et de payer mon école, de ne pas être saturé par le rythme scolaire. Je n’ai cours que toutes les 2 semaines. Je vais aussi pouvoir me créer un réseau. »
C’est aussi une vision carriériste et basée sur le long terme qui a séduit Nadjib dans sa quête de contrat d’apprentissage :
« Quand tu finis ton bac+ 5, tu as déjà une base technique que d’autres n’auront pas […]. Les gens quand ils te recrutent, ils regardent tes productions, si t’es déjà formé. Tu as la possibilité d’être embauché à la suite et de ne pas perdre de temps à chercher un nouveau job. Et puis, je cotise pendant 3 ans pour ma retraite, c’est 3 ans de gagnés. » C’est un calcul mûrement réfléchi pour ces étudiants.
Toutefois, si cela semble presque parfait, il reste un bémol : la recherche du fameux contrat est très difficile. Un véritable parcours du combattant que Joseph, 19 ans, a perdu. Il a voulu intégrer un BTS communication en alternance, et c’est finalement en formation initiale qu’il l’a obtenu. Il nous confie :
« Les tests de sélection sont très difficiles ! Il y a plus de demandes que d’offres. Avant même de chercher son contrat, il faut réussir à intégrer l’école en 3 ou 4 étapes. Ensuite, quand on n’a pas de réseau, on est voué à soi-même ».
Si les avantages d’un tel choix sont nombreux, ils ne sont pas seulement réservés aux alternants. Pour une entreprise, décider d’intégrer un apprenti au sein de son équipe lui permet de pré-recruter ses futurs salariés. Enfin, du côté des universités, proposer l’apprentissage au sein de leurs formations est un moyen de les rendre plus attractives et de rendre les étudiants plus motivés.
Réformer l’apprentissage, pour quoi faire ?
Malgré tout, un constat persiste : les chiffres de l’apprentissage ne décollent pas d’une année sur l’autre. Comment le gouvernement compte-t-il alors en faire une voie royale ? Les objectifs sont relativement simples : rendre l’apprentissage plus simple d’accès, en simplifiant les aides et les circuits de financement. L’amélioration de l’insertion professionnelle des jeunes et la baisse du nombre de jeunes chômeurs seraient les effets d’une telle réforme selon le gouvernement. En effet, actuellement, 7 jeunes sur 10 qui sont passés par l’apprentissage décrochent un contrat de travail.
Le programme parait donc relativement prometteur, mais n’est pas vu du même œil par l’opposition. Un des objectifs de la réforme fait tiquer : celui qui consiste à «
donner un rôle accru aux branches professionnelles ». Pour
Hicham Dad, conseiller municipal à Clichy-la-garenne et militant PCF, c’est la porte ouverte à la restriction des droits des salariés. Selon lui,
« la différenciation des droits entre les salariés serait une aubaine pour le patronat, qui pourra user de cette main d’œuvre à coûts réduits, tout en lui faisant miroiter une embauche future ». Sacrifier les droits des salariés serait-il alors le prix à payer pour éradiquer le chômage et rendre le pays plus compétitif ? Pour
Hicham Dad, cette promesse de compétitivité
« masque une concurrence généralisée entre les travailleurs, pour tirer leurs droits vers le bas ».
Le rapport final du projet de réforme devrait être remis au gouvernement début février 2018.