Les médias face au harcèlement, les leçons de la révolution #MeToo ?
Par Louise Leboyer et Juliette Thévenot
Pour la deuxième édition du festival « Médias en Seine », la Maison de la Radio accueillait une conférence au sujet du mouvement #MeToo et son impact sur les médias. L’occasion de revenir sur l’affaire de la Ligue du LOL et son traitement médiatique.
Aucun secteur n’a été épargné par la vague #MeToo. Et ce n’est surtout pas le cas de la sphère médiatique. Mais le #MeToo des médias français n’est arrivé qu’un an et demi plus tard. Le 8 février 2019, le journal Libération publie une enquête révélant l’existence d’un groupe Facebook actif entre 2009 et 2013, composé d’une trentaine de journalistes, communicants et développeurs parisiens, accusés d’avoir participé et orchestré des campagnes de cyber-harcèlement : la Ligue du LOL. Des attaques de harcèlement en meute, sexistes, homophobes, racistes, entre autres.
Emballement médiatique
Pas un journal, site internet, chaîne de télévision ou radio n’a ignoré l’affaire de la Ligue du LOL. Mais rapidement deux traitements journalistiques s’opposent selon Léa Lejeune, journaliste, Présidente du collectif « Prenons la Une », victime et invitée à Media en Seine. D’un côté, il y a les « journaux qui ont fait des enquêtes précises, mesurées avec la parole des victimes et des accusateurs », comme Numérama, Médiapart et Le Monde. Et de l’autre, « il y a beaucoup de reprises de tweets et d’informations sans vérification qui ont pu amener à des amalgames sur les faits reprochés ». Suite aux multiples témoignages et enquêtes internes, douze personnes ont été licenciées, dont Alexandre Hervaud, chef de service adjoint du site internet de Libération, Vincent Glad, pigiste du journal et créateur du groupe et David Doucet, rédacteur en chef des Inrocks.
Des sanctions pas toujours mesurées ni proportionnées, estime Léa Lejeune. « Je pense que dedans il y a des personnes qui ont été sanctionnées justement et d’autres qui ont pris cher dans la masse ».
Symptôme de l’après #MeToo
Après #MeToo et #BalanceTonPorc, l’heure était au témoignage. Parfaite illustration de la notion de Boys Club, la Ligue du LOL a suscité l’indignation générale autour de révélations qui n’auraient, pourtant, pas dû nous étonner. Face au scandale provoqué par l’affaire, des décisions ont été prises au sein même des rédactions, ne pouvant faire jouer le droit, les délais de prescription étant dépassés. Prises de décision dans l’urgence et sanctions presque immédiates, les différents médias touchés jouaient gros sur leur capacité à réagir. Selon Léa Lejeune « il y a eu une volonté pour les médias de réagir très très vite pour préserver leur image ».
Une crédibilité à sauver à l’heure où la confiance envers les médias est fragile et où la parole des victimes est mise au centre des discussions. Influencés par l’emballement médiatique et par les leçons retenues après #MeToo, certaines décisions peuvent, désormais, paraître disproportionnées. Guillaume Ledit, ancien membre de la ligue du LOL, est intervenu à la fin de la conférence. Il a été licencié par la rédaction Usbek & Rica, alors qu’il n’a jamais « eu de propos racistes ou sexistes », selon ses dires. Huit mois plus tard, Léa Lejeune estime que si les rédactions ne reviennent pas sur le traitement de cette affaire « c’est aussi qu’il ne faut pas décrédibiliser la parole des victimes a posteriori ». Pour les « loleurs » pris dans la masse, elle a ajouté que « les prud’hommes auront la charge de juger ce qui était juste et ce qui l’était moins ».