Par Samuel Barbotin et Axel Piotet
Le traitement médiatique des sportifs de haut niveau peut entraîner des problèmes de santé mentale. Très critique, l’approche journalistique de ces athlètes doit aujourd’hui s’adapter aux enjeux de la société. Il est cependant difficile d’imaginer que ce système, qui marche, puisse rapidement se transformer.
« Je ne suis pas quelqu’un qui m’enflamme », assure Marvin Martin à Julian Palmieri pour le média Team football. Ce footballeur professionnel, originaire de la région parisienne, en a pourtant l’occasion le 7 juin 2011. Pour sa première sélection en équipe de France, il inscrit un doublé. Le lendemain, la presse glorifie sa performance. Le Parisien lui dédie même sa une. « Est-il le nouveau Zidane ? », se questionne le quotidien alors que le milieu de terrain évolue au FC Sochaux-Montbélliard, loin des projecteurs. La suite de la carrière de Marvin Martin n’atteindra pas celle de Zizou et il prendra sa retraite dans l’anonymat à l’été 2023.
Juste après avoir rangé ses crampons, l’ancien meilleur passeur de Ligue 1 a été interrogé, en octobre 2023, par Téléfoot sur cette soudaine exposition médiatique. « Tu sais que derrière ça les attentes ne sont plus les mêmes. La moindre performance, le moindre truc va ressortir. Ça ne m’a pas aidé, ça m’a renfermé encore plus. Les comparaisons ça ne sert à rien, ça n’aide pas le joueur. »
« La surmédiatisation engendre du stress »
Le traitement médiatique de Marvin Martin n’est qu’un cas parmi tant d’autres. Nombreux sont les sportifs affectés par un article, une note, ou une anecdote racontée dans la presse. Tout ce brouhaha médiatique vient perturber les performances des athlètes, comme l’indique Clément Le Coz, psychologue et préparateur mental dans le sport.
« La surmédiatisation engendre du stress. Quand on perçoit un stress, il y a deux types de réactions », précise ce dernier. « La première, c’est ce qu’on appelle la somatisation. C’est ce qu’on connaît assez couramment avec la boule au ventre, la sudation… La seconde, est l’aspect cognitif et émotionnel. Le sportif va avoir du mal à mémoriser des informations, va avoir tendance à faire les mauvais choix sur le terrain et il se montre plus irritable, se sent oppressé. »
Les notes dans les journaux, « un système poussé à l’extrême »
L’exposition des sportives et sportifs de haut niveau n’est pas un phénomène nouveau. Dès les années 1980, le journal L’Equipe lance son principe de notation des rencontres sportives. Toute l’année, à chaque match, les joueuses et joueurs sont ainsi notés sur 10.
Denis Troch, ancien entraîneur adjoint du Paris Saint-Germain, avoue à Ouest-France avoir vu certains joueurs « pleurer » à cause des notes. « C’est un truc un peu fou. C’est le métier, mais rendez-vous compte, c’est comme si je notais vos articles… On accepte, mais je trouve que c’est puéril et populiste. »
Un système que pointe du doigt Jérôme Flury, responsable du service sport de la région Franche-Comté pour L’Est Républicain. « C’est un système poussé à l’extrême, les médias ont vu que c’était ce qui ramenait le plus de vue. Surtout qu’un joueur qui fait un mauvais match en a conscience, c’est remuer le couteau dans la plaie quelque part. »
Les footballeurs formés aux médias
Lors de la parution de la une comparant Marvin Martin à Zinédine Zidane, l’un des journalistes du Parisien regrette ce choix éditorial. « C’est la direction de la rédaction de l’époque qui a commandé cette double page et je n’étais pas d’accord avec ce choix éditorial », se rappelle ce dernier souhaitant rester anonyme.
Aujourd’hui, l’Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP) initie les jeunes footballeurs aux relations de presse. En septembre 2024, les joueurs en formation du FC Metz ont assisté à une formation animée par Sébastien Piétri, ancien journaliste et consultant en communication. « Au programme : situations d’interviews réelles et personnalisées pour chaque joueur, avec débriefing ensuite, afin d’en tirer différents axes d’améliorations », indique le site Socios FC Metz.