Civilisation, le 4ème album d’OrelSan est sorti le 19 novembre dernier. Tout au long des 15 titres, le rappeur nous emmène avec lui dans un voyage à travers son enfance, sa nouvelle vie d’homme marié et son regard sur l’époque actuelle.
Focus sur un projet engagé, et entêtant.
Photo Alice Moitié.
Fini le masque de Raelsan ou le costume de samouraï, Orel fait dans la simplicité.
“Cette époque où j’étais perdu d’avance est révolue”. Voilà ce qu’OrelSan disait en 2011 dans Le Chant des Sirènes, titre éponyme de son 2ème album. Dix ans plus tard, le natif d’Alençon semble définitivement avoir trouvé sa place, non seulement parmi les grands noms du rap français, mais aussi dans un monde plus si “flou”.
Entre sa vision sur les Gilets Jaunes, son chemin parcouru et sa femme, “Orel” sait maintenant ce qu’il veut : changer les choses. Des textes percutants et des mélodies efficaces font le cocktail de Civilisation, une boisson sans alcool dans laquelle se mélangent les ivresses de notre époque. Loin du Suicide Social où le personnage apparaît comme une bombe à retardement, cette fois il vient dire qu’il y en a marre de ramasser les pots cassés. Le rappeur ne tire plus dans le vide, il vise juste.
La formule de Lavoisier “rien ne se perd, tout se transforme”, qu’OrelSan répète lors du premier et du dernier morceau de l’album, sonne comme le parfait adage au message global du projet : changer les choses, sans tout détruire.
Ensemble, OrelSan et Skread sont plus forts
Premier focus de cet article sur un des titres les plus intéressants, selon moi : Ensemble feat. Skread. Certains s’étonnaient de voir le nom de Skread apparaître en featuring sur le 13ème morceau de l’album tant il est déjà présent sur le projet : non seulement 1mn40 du titre est consacrée à l’instrumental qui nous offre un crescendo d’intensité et de musicalité exceptionnel, mais le rôle du producteur a été plus loin sur cette chanson. Il nous l’explique : “Orel a écrit sur une prod un peu “rap classique” et je lui ai proposé de l’écouter sur cette instru là. Si on trouve que ce côté 80’s pop est une prise de risque, la couleur vient de moi parce que j’entendais bien son texte sur cette prod que j’avais de côté.”
OrelSan, Civilisation édition “Ensemble”
Une prise de risque, oui car qui aurait pu s’attendre à ce qu’OrelSan pose sur une telle instru ? Celle-ci est, pour moi, symbolique de l’évolution de l’homme et de l’artiste. S’adapter est devenu le plus grand des défis pour un rappeur, et le risque de paraître dépassé par des tendances qui défilent à une vitesse effrénée est de plus en plus grand. Et pourtant : la prise de risque est ici parfaitement maîtrisée et prouve non seulement qu’OrelSan est à la page mais qu’il est également accompagné de musiciens de très haut niveau.
Comme une berceuse “made in 2021”, Orel te le dit : »Rêve mieux »
Sur une instru signée Phazz, OrelSan entonne des mélodies que l’on ne lui connaissait pas. Le texte de Rêve mieux qui pourrait nous rappeler Gros poisson dans une petite mare ou Le Chant des sirènes, est empli d’un message à mon sens essentiel. Un message si terre à terre et loin des clichés de la célébrité qu’il sonne d’autant plus authentique dans la bouche de celui qui pourrait avoir été emporté par cette vague. Des propos qu’il tenait d’ailleurs déjà sur Notes pour trop tard : “On te dira d’être premier, jamais d’être heureux”.
Un titre qui sonne si bien et qui le doit sûrement aussi à la parfaite alchimie entre la prod et le texte. Dans un univers très aérien et minimaliste, on ressent toute la complicité présente entre OrelSan et Phazz. Ce dernier raconte : “Sur ce titre, on était ensemble dès le départ dans la réflexion, avant même qu’il n’y ait une note de posée. Orel et moi étions enfermés chez moi, à Lyon. Il me parlait de ce morceau, et moi ça m’évoquait des trucs, donc on a échangé jusqu’à arriver à l’idée de faire une prod comme ça.
Ce dernier raconte : “Sur ce titre, on était ensemble dès le départ dans la réflexion, avant même qu’il n’y ait une note de posée. Orel et moi étions enfermés chez moi, à Lyon. Il me parlait de ce morceau, et moi ça m’évoquait des trucs, donc on a échangé jusqu’à arriver à l’idée de faire une prod comme ça.
Avant de rêver, vous reprendrez bien un Dernier Verre ?
Un Dernier Verre offert par les Neptunes, s’il vous plaît. Plus qu’un featuring international, cette chanson c’est aussi une boucle qui se rejoint pour le rappeur de Caen qui rêvait autrefois de former un duo de producteurs, “comme les Neptunes”. Sur un rythme Passionfruitesque *, OrelSan, Skread, Pharrell Williams et Chad Hugo font vibrer nos coeurs et nous poussent sur la piste une nouvelle fois. Le symbole est fort et le morceau réussi. La présence de Pharrell (!) donne une puissance supplémentaire à un titre que l’on sent travaillé, loin de certaines collaborations entre français et américains où l’on sent davantage une volonté de faire des chiffres plutôt que de la bonne musique.
En bref
4 ans après La Fête est finie, Civilisation est un sublime after. Pas de celui où l’on s’effondre dans des canapés ni de celui où l’on continue à boire jusqu’à être mal, mais plutôt celui, si rare, où notre vision devient subitement plus claire. Celui où notre enfance ne paraît plus si lointaine et l’on se rappelle de tout ce qu’on avait oublié, de tout ce qui nous a conduit jusqu’à cet endroit, à ces personnes qui nous entourent. Celui où, au milieu des cadavres de bouteilles, on retrouve celle remplie d’espoir qui s’était perdue en mer pendant si longtemps. Alors on rentre chez soi, déterminé à tout changer.
Sauf qu’il est 5h du mat’ et qu’avant ça, il faut dormir.
*Passionfruit, morceau de Drake