J’arrive à saturation de l’information immédiate, des petites phrases choc des représentants politiques, et des débats sans consistance. Si le confinement, l’actualité anxiogène, ou simplement le quotidien vous angoissent, je vous conseille de vous plonger immédiatement dans le livre En attendant Bojangles d’Olivier Bourdeaut aux éditions Gallimard.
Dans En attendant Bojangles, le petit garçon de la maison nous parle de sa vie. Son père Georges choisit un nouveau nom pour sa femme tous les matins, selon son humeur. Marguerite, Joséphine ou Marilou est ravie à chaque fois. Elle parle à son fils “comme à un personnage de roman” et le vouvoie. Si sa journée d’école s’est mal passée ou a été trop ennuyeuse, elle lui demande d’inventer une journée et s’extasie de ses histoires. Elle invite le facteur, les voisins, l’épicier à toute heure, et organise des festins à 16 heures. Marilou promène son oiseau Mademoiselle Superfétatoire en collier de perle dans la rue, et si « une vieille dame en teckel » lui en fait le reproche, Marilou s’offusque avec un simple « des poils, des plumes, quelle différence ! »
Dans le quotidien des parents et du fils narrateur, des événements douloureux apparaissent. Marquerite (appelez la comme il vous chante) pourrait être qualifiée de folle. Mais les mots schizophrénie, dépression ne sont utilisés qu’une seule fois. Olivier Bourdeaut fait de la figure du fou un être poétique. Ce roman nous rappelle à quel point les fous ne sont pas toujours ceux qu’on croit. Marguerite transforme chaque lieu, même le plus morbide, en lieu de fête et de joie. Georges et cette femme sont complices, et ils organisent ensemble la fuite de la routine. Les personnages refusent la laideur des problèmes du quotidien, les dimanches décevants et les lundi mornes.
Dans les médias, les mots covid, attentats, couvre-feu, République, laïcité sont répétés à longueur de journée. Si Marguerite vivait la période que nous vivons, elle ne s’en soucierait probablement pas. Elle éteindrait son téléphone, jetterait la télévision, et mettrait immédiatement très fort la chanson de Nina Simone Mr Bojangles.
Je propose que nous en fassions tous de même.